L'OBSOLESCENCE PROGRAMMÉE : BIENTÔT UNE OBLIGATION D’INFORMATION
De nombreux scandales liés à l’obsolescence programmée ont éclaté ces derniers temps et ont poussé non seulement les consommateurs à être vigilants mais aussi les pouvoirs publics à réfléchir aux actions possibles. Pour lutter contre ces techniques qui n’ont que pour but d’accélérer le renouvellement du parc des appareils et équipements, une loi qui vise à sanctionner les pratiques frauduleuses est déjà en place mais de nouvelles mesures pourraient voir le jour pour améliorer l’information des consommateurs.
L'obsolescence programmée c'est quoi ?
Le terme d'obsolescence programmée rassemble un ensemble de techniques qui ont pour but de diminuer la durée de vie des produits et, donc, à en accélérer le renouvellement. Ceci recoupe de nombreux procédés différents et la réalité industrielle offre de nombreux exemples d’obsolescence programmée.
Cela peut d’agir d’un téléphone portable qui comporte une batterie soudée à la fabrication : elle est ainsi irremplaçable et impose à l’utilisateur de changer le téléphone entier lorsque la batterie est défaillante. La durée de vie du mobile est alors directement dépendante de la durée de vie de la batterie du smartphone et c’est bien souvent inacceptable pour les consommateurs qui s’estiment lésés.
C’est aussi une imprimante qui incorpore une puce qui déclenche une panne au-delà d’un nombre défini d’impressions. C’est l’exemple le plus criant de ces dernières années et l’obsolescence programmé des imprimantes est un vrai problème régulièrement dénoncé.
Ce phénomène n’est pas récent et on cite souvent les fabricants d’ampoules qui, dès les années 30, limitaient la durée de vie des filaments des ampoules à incandescence à 1000 heures de fonctionnement alors que celles-ci pouvaient être fabriquées pour une durée de vie supérieure à 10 ans.
Le phénomène de l'obsolescence programmée n’affecte pas uniquement les appareils technologiques ou high-tech mais aussi des produits courants, souvent plus banals. Ainsi, des bas nylons ou des chaussettes premiers prix sont conçus pour ne pas pouvoir résister à un certain nombre de passages en machine ou de lavage et donc inciter le consommateur à faire de nouveaux achats.
En France, depuis la Loi sur la transition énergétique de juillet 2015, l'obsolescence programmée est devenue une infraction punissable de 2 ans de prison et de 300.000 euros d'amende. Cette loi sur l’obsolescence programmée, aussi appelée « loi Hamon », a d’ores et déjà entrainé de nombreux cas devant les tribunaux pour des infractions plus ou moins graves. Mais la preuve de l’obsolescence programmée est parfois difficile à faire pour les consommateurs et les procédures peuvent être longues et complexes. Et ceci a donc incité le gouvernement à réfléchir à d’autres méthodes, tendant à renforcer l’information du consommateur et ne pas se baser uniquement sur un arsenal répressif.
Comment le gouvernement compte remédier à l’obsolescence programmée ?
Dans la réflexion pour l’économie circulaire, le gouvernement prévoit de mettre en place un indicateur de durée de vie des produits. Le projet prévoit de construire un indice précis d’information claire sur la durabilité et la robustesse des produits.
Ce serait très certainement un étiquetage comme l’étiquette « énergie » des appareils électroménagers et ce système donnerait aux produits une note de 1 à 10 en fonction de critères tel que la durabilité et la réparabilité de l’équipement. Il est prévu de faire un test grandeur nature jusqu’à fin 2019 et ensuite d’appliquer ce dispositif de manière obligatoire. Les modalités pratiques ne sont pas encore définies dans le détail mais des commissions rassemblant industriels, associations de consommateurs et équipes des ministères travaillent déjà à un cahier des charges et à un référentiel clair.
Dans un premier temps cet étiquetage concernerait les produits électroniques et électroménagers mais il n’est pas inenvisageable que ce soit étendu à d’autres types de produits dans une deuxième phase.
Le gouvernement prévoit aussi de s’attaquer à la couche logicielle des produits et d’étendre ce principe aux programmes et services numériques. En effet, bon nombre de produits ne sont remplacés, non pas parce qu’ils ne fonctionnent plus, mais parce qu’ils fonctionnent plus lentement ou moins bien. Et c’est souvent ce phénomène qui raccourcit la durée de vie des équipements électroniques et incitent les consommateurs à s’équiper de nouveaux produits. C’est le cas notamment avec la durée de vie d’un smartphone ou encore la durée de vie d’une tablette qui sont souvent changés car la mise à jour des systèmes d’exploitation ralentit leur fonctionnement ou encore que les nouvelles versions d’applications rendent leur utilisation très lente.
Quel impact pour les fabricants ?
Avant les conséquences des lois et réglementations mises en place le premier impact chez les fabricants est la prise de conscience du grand public et le questionnement face aux produits présentés. Au-delà des effets négatifs sur certaines marques déjà incriminées, la plupart des concurrents vont devoir jouer la transparence pour se démarquer.
Lorsque l’étiquetage sera obligatoire, des écarts verront le jour inévitablement entre les produits. Et comme pour l’étiquetage énergétique il y aura des gros progrès qui seront réalisés. En effet un produit étiqueté « très énergivore » a aujourd’hui beaucoup de mal à se vendre. Demain un produit qui aura une mauvaise note sur le plan de la durabilité et de la réparabilité sera aussi en difficulté sur le marché.
D’ores et déjà, de nombreux fabricants travaillent à de nouvelles générations de produits et à améliorer celles qui sont existantes. L’enjeu est de taille car la transparence va accroitre la concurrence mais aussi les attentes des consommateurs, notamment en cas de défaillance anticipée des produits.
Certains fabricants envisagent déjà de travailler à des offres avec des garanties incluses plus longues, qui permettraient ainsi de rassurer le client et de lui assurer la pérennité de son achat.
Enfin, il faut s’attendre à voir émerger un marché de la réparation en France et en Europe. Un tel marché pourrait être bénéfique en termes d’emplois et de respect de l’environnement. De nombreuse marques travaillent déjà à l’élaboration d’une offre. Même si cela nécessite des réorganisations et du temps, certaines entreprises, pour maintenir leur chiffre d’affaires, doivent d’ores et déjà penser à se positionner sur le marché de la réparation, du moins pour leurs propres produits, ou de passer des alliances avec de grands réseaux. Elles envisagent de le faire avant que de futures directives Européennes en préparation imposent des taux de réparabilité important dans certains produits et favorisent ainsi l’émergence d’un nouveau marché.